Le 28 septembre 2025, le peuple et la majorité des cantons ont accepté la réforme qui met
fin à l’imposition de la valeur locative (le « loyer fictif » des propriétaires qui occupent leur
logement). Le résultat national s’établit autour de 57,7 % de « oui » (participation proche de
49,5 %), malgré un vote plus réticent en Suisse romande. Juridiquement, l’acceptation est
liée à l’introduction d’un impôt cantonal sur les résidences secondaires : c’est la pièce
constitutive qui permet l’abolition. Concrètement, la valeur locative disparaît pour les
résidences principales et secondaires utilisées par leurs propriétaires, et les grandes
déductions fédérales (intérêts hypothécaires, frais d’entretien) sont fortement restreintes,
avec une déduction d’intérêts limitée pour les primo-accédants et la méthode dite
“proportionnelle restrictive” pour les propriétaires qui possèdent aussi des biens loués.
Le temps d’adapter les lois d’exécution et les systèmes cantonaux, l’entrée en vigueur de
ces nouveaux dispositifs ne devrait pas intervenir avant 2028 au plus tôt.
L’impact de la réforme sur les prix en Suisse romande restera donc secondaire face aux
taux de la BNS, à l’offre et aux dynamiques locales, avec toutefois des sensibilités dans
les stations alpines et le segment des résidences secondaires (selon la fiscalité cantonale).
Enfin, la fin des déductions fédérales d’entretien peut inciter certains propriétaires à reporter
des travaux ; à terme, les biens moins entretenus risquent une décote relative. Plus d’info (EFD)

1) Ce que la Suisse a décidé : portée du vote et contenu de la réforme

La votation du 28 septembre 2025 porte sur un changement de système : supprimer
l’imposition de la valeur locative et reconfigurer les déductions associées, en ouvrant aux
cantons la possibilité de lever un impôt sur les résidences secondaires (usage
personnel). Le « oui » national atteint 57,7 %, avec environ 49,5 % de participation. Cette
architecture « en paquet » est centrale : sans base constitutionnelle pour l’impôt cantonal
sur les logements de vacances, pas de suppression de la valeur locative. Le Département
fédéral des finances (DFF) et les portails officiels confirment le résultat et la logique
d’ensemble.
Au-delà du score, la géographie du vote est instructive : la RTS relève que les cantons
romands et Bâle-Ville ont plutôt rejeté la réforme, tandis que la Suisse alémanique l’a
portée. L’analyse politique met en avant des sensibilités différentes : en Romandie, une
inquiétude plus forte quant à l’impact sur l’entretien et la transition énergétique, et, dans
les régions touristiques, l’attention aux recettes liées aux résidences secondaires. Mais, au
plan fédéral, le verdict est clair : la valeur locative va disparaître. RTS

2) Les trois piliers du nouveau cadre

  • Abolition de la valeur locative pour les résidences principales et secondaires
    utilisées par leurs propriétaires.
  • Restriction des déductions : les frais d’entretien et la déductibilité générale des
    intérêts hypothécaires seront fortement réduits au niveau fédéral, avec des
    nuances cantonales possibles pour certaines dépenses énergétiques.
  • Impôt cantonal sur les résidences secondaires (usage propre) : nouvelle
    compétence laissée aux cantons pour compenser la disparition de recettes liées à
    l’ancien système.

3) Calendrier : quand la suppression s’appliquera-t-elle vraiment ?

La réforme n’entre pas en vigueur immédiatement. Le temps d’adapter les lois d’exécution
et les systèmes cantonaux, l’entrée en vigueur de ces nouveaux dispositifs ne devrait
pas intervenir avant 2028 au plus tôt.
Ce décalage laisse une fenêtre 2026–2027 où propriétaires et entreprises anticipent (ou
étalent) leurs décisions d’investissement. La RTS, la Migros Bank et la Société Suisse des
Entrepreneurs pointent explicitement cet horizon 2028. Migros Bank, SSE
À retenir pour votre planification :

  • Déclaration 2025–2027 : régime actuel toujours en place jusqu’à l’entrée en vigueur
    effective.
  • Première année sans valeur locative : au plus tôt 2028 (sous réserve des normes
    d’exécution).
  • Décisions cantonales à suivre en 2026–2027 : paramètres de l’impôt sur les
    résidences secondaires et éventuels régimes cantonaux pour certaines
    rénovations énergétiques.

4) Ce qui va changer dans vos impôts : règles clés, exceptions et cas particuliers

La logique de fond est simple : on retire un revenu théorique (valeur locative) en contrepartie du retrait en grande partie des déductions qui l’accompagnaient. Mais les détails comptent, surtout pour optimiser vos décisions d’achat, d’amortissement et de travaux.

 

Résidences principales et secondaires occupées par leurs propriétaires

  • Plus de valeur locative imposable.
  • Frais d’entretien : non déductibles au niveau fédéral (les cantons gardent toutefois une marge pour autoriser certaines déductions, en particulier énergétiques, parfois limitées dans le temps, ce qui est crucial pour vos projets de rénovation).

Intérêts hypothécaires : non déductibles en principe pour l’objet occupé, sauf mécanismes transitoires et/ou spécifiques (voir primo-accédants ci-dessous et méthode « proportionnelle restrictive » pour les détenteurs d’objets loués).

Biens loués ou affermés (rendement)

Pour les propriétaires qui, en plus de leur logement occupé, détiennent des objets loués, les intérêts passifs restent déductibles mais selon la méthode proportionnelle restrictive : la déduction se limite à la part de la dette rattachable à ces biens loués au regard du patrimoine total. C’est un point technique — mais déterminant pour les multipropriétaires et les investisseurs patrimoniaux.

Primo-accédants : un « coup de pouce » d’intérêts, limité dans le temps

Les documents d’explication et supports civiques indiquent une déduction d’intérêts limitée dans le temps pour les premiers achats (résidence principale), typiquement pendant dix ans, avec une courbe dégressive. Ce mécanisme amortit la perte des déductions les premières années de crédit, là où les intérêts pèsent le plus, sans recréer l’incitation structurelle à rester très endetté. Vérifiez toutefois la mise en œuvre exacte lors des ordonnances : la philosophie est actée, les barèmes détaillés peuvent encore être précisés.

Déductions énergie / climat : ce que les cantons peuvent encore faire

Même si l’impôt fédéral supprime la plupart des déductions d’entretien, les cantons peuvent décider de maintenir des incitations ciblées (p. ex., rénovations énergétiques, isolation, PAC, solaire) pendant une période déterminée. Plusieurs analyses privées évoquent un cadre possible jusqu’en 2050 pour certaines dépenses « vertes » dans le droit cantonal ; l’essentiel est surtout de suivre les décisions de votre canton au fil de 2026–2027, car les règles varieront (et pourront se cumuler avec des subventions non fiscales).

5) Effets attendus sur les prix en Suisse romande : modérés, mais segmentés

L’effet de la réforme sur les prix devrait être plus faible que l’effet des taux d’intérêt (BNS), de l’offre de logements et des flux démographiques. En 2025, les indicateurs immobiliers soulignent que la baisse des coûts de financement tend à soutenir les prix, alors que les contraintes d’offre restent structurelles dans de nombreuses zones urbaines et périurbaines romandes. Les observatoires de marché (Wüest Partner, UBS AM) rappellent que ces moteurs macro dominent les trajectoires de prix. La réforme fiscale ajuste des incitations individuelles mais ne change pas l’équation logement : raréfaction foncière, délais de permis, coûts de construction et demande soutenue.

Suisse romande — sensibilités locales :

  • Côtes lémaniques, Genève–Lausanne et agglomérations : l’effet fiscal devrait rester marginal sur les niveaux de prix, tant que la demande solvable reste élevée et l’offre contrainte. Les variations interviendront surtout via les taux, la capacité d’emprunt et le stock disponible.
  • Régions alpines et destinations de loisirs : la nouvelle compétence cantonale d’imposer les résidences secondaires peut modérer la demande « plaisir » à la marge ; les analyses “alpine property” d’UBS évoquaient déjà un risque de coûts d’usage en hausse (taxation + fin des déductions d’entretien) — ce point dépendra fortement des barèmes cantonaux.

 

Une logique de « désincitation à l’endettement »

La fin des grosses déductions d’intérêts retire un biais structurel à rester très endetté, ce qui stabilise plutôt qu’accélère la demande spéculative. Dans un contexte où la BNS a abaissé ses taux directeurs au fil de 2024–2025, l’effet net sur les prix devrait rester neutre à légèrement modérateur : les taux et l’offre gardent la main. Les projections de conjoncture immobilière confirment que l’environnement monétaire explique l’essentiel des écarts de prix, avec la réforme fiscale en arrière-plan.

 

Entretien et rénovations : un angle mort qui peut peser sur la valeur (et l’énergie)

La fin des déductions fédérales pour l’entretien courant et une partie des rénovations (y compris énergétiques), combinée à des régimes cantonaux encore à définir, va changer la psychologie des propriétaires. Sans incitatifs fiscaux clairs, une partie d’entre eux peut reporter des travaux : toitures, façades, remplacements de systèmes CVC, pompes à chaleur, isolation, photovoltaïque. À court terme (2026–2027), on peut même voir un rush de chantiers pour profiter des derniers paramètres ou de mesures transitoires ; puis un trou d’air si les cantons n’offrent pas de relais. À moyen terme, l’entretien différé se traduit souvent par une qualité d’usage en baisse, une performance énergétique inférieure et, au moment de la revente, une décote par rapport à des biens bien entretenus ou modernisés. Plusieurs acteurs (banques, presse, experts patrimoniaux) ont mis en garde contre ce risque, tout en rappelant que les cantons conservent la possibilité de soutenir les rénovations énergétiques.

« La fin de la valeur locative est perçue comme un coup d’arrêt fiscal aux déductions d’entretien ; sans relais cantonal, la transition énergétique pourrait perdre un appui. »

6) Qui gagne, qui perd : lecture par profils

Le tableau ci-dessous synthétise les tendances par type de propriétaire :

Profil Tendance fiscale si la réforme passe Pourquoi
Propriétaire peu endetté (souvent logement détenu depuis des années) Plutôt gagnant Disparition de la valeur locative sans gros intérêts à déduire ; charge fiscale nette souvent plus basse.

Propriétaire très endetté

Plutôt neutre à perdant Perte des grosses déductions d’intérêts ; bénéfice de la suppression de la valeur locative ne compense pas toujours.
Primo-accédant (résidence principale) Atténué (déduction temporaire d’intérêts) Mécanisme limité dans le temps pour lisser les premières années de crédit ; surveiller la mise en œuvre finale.
Multipropriétaire avec biens loués Gestion fine requise Déduction d’intérêts via la méthode proportionnelle restrictive : calcul au prorata des biens de rendement.
Propriétaire en station (résidence secondaire)
Variable selon le canton Nouvel impôt cantonal potentiel sur les résidences secondaires ; coûts d’usage en hausse possibles.

 

7) Résidences secondaires : la nouvelle fiscalité cantonale à surveiller de près

L’acceptation de la réforme donne aux cantons la compétence de lever un impôt immobilier sur les résidences secondaires à usage personnel. Les barèmes, seuils et exemptions seront locaux. En Romandie (Valais, Vaud, Fribourg, Neuchâtel, Jura, Genève), on peut s’attendre à des approches différentes selon : l’importance du tourisme, l’équilibre budgétaire à préserver et la structure du parc immobilier. Pour les communes de montagne à forte part de résidences secondaires, cet impôt est vu comme un levier compensatoire aux recettes perdues. Suivez les calendriers cantonaux 2026–2027 pour connaître le taux et le mode de calcul appliqués à votre commune.

8) Marché : quel impact sur l’offre, la demande et les volumes ?

Impact de la réforme sur la demande

La disparition des grosses déductions d’intérêts peut refroidir un peu les profils très endettés ; à l’inverse, les ménages désendettés et primo-accédants (aides transitoires) gardent des budgets relativement confortés. Globalement, les taux hypothécaires et la solvabilité restent le premier moteur : les publications semestrielles des gérants et analystes (UBS AM, Wüest Partner) montrent que le coût de financement explique l’essentiel des variations de pouvoir d’achat et, par ricochet, des prix signés.

Impact de la réforme sur l’offre

À court terme, possible anticipation d’assainissements et de rénovations sur 2026–2027, puis normalisation si les incitations cantonales ne prennent pas le relais. À long terme, l’offre de logements en propriété reste bridée par le foncier rare, les délais d’autorisation et les coûts (matériaux, main-d’œuvre), ce qui rend des corrections fortes de prix peu probables sans choc macro.

Impact de la réforme sur les volumes

Le volume de transactions pourrait se tasser temporairement si certains vendeurs/propriétaires attendent d’y voir plus clair (barèmes cantonaux, ordonnances fédérales). À l’inverse, des ventes opportunistes peuvent apparaître sur des biens qui nécessiteraient des travaux majeurs — si leurs propriétaires jugent moins intéressant d’investir sans déductions fédérales. Les banques et experts patrimoniaux recommandent de raisonner à l’horizon de détention : si vous gardez le bien 10–15 ans, l’usage et les coûts d’exploitation priment sur la petite optimisation fiscale à court terme.

Étude d’impact sur un cas simple : budgets avant/après (logique fiscale, non chiffrée)

Imaginons deux ménages romands, revenu comparable (classe moyenne), achetant un appartement à 900 000 CHF. Ménage A finance 80 % à l’hypothèque et amortit lentement ; ménage B amortit plus vite et cherche à descendre à 60 % d’hypothèque en 10 ans. Avant la réforme, A tirait une part de déduction d’intérêts plus importante (mais subissait la valeur locative). Après la réforme, la valeur locative disparaît, et les grosses déductions n’existent plus ; B est avantagé par son faible endettement. A bénéficie d’un coup de pouce temporaire (primo-accédant), mais sa stratégie a tout intérêt à inclure un amortissement plus rapide pour stabiliser sa charge à long terme. Moralité : amortir redevient un levier de gestion du risque plus pertinent que l’optimisation fiscale.

9) Conseils pratiques pour acheteurs et vendeurs en Suisse romande (2025–2028)

Avant toute décision, posez-vous ces quelques questions devant vous guider dans la prise de décision :

  1. Horizon de détention : 5, 10, 15 ans ? Plus il est long, plus l’usage (confort, localisation, coûts énergétiques) compte.
  2. Profil d’endettement : supportez-vous une hausse éventuelle de taux ? La fin des grosses déductions pousse à viser un niveau d’hypothèque soutenable sur le long terme.
  3. État du bien : à rénover ou prêt à l’emploi ? Sans déductions fédérales d’entretien, un bien à travaux doit être négocié en conséquence, ou phasé selon les éventuels régimes cantonaux.
  4. Commune et canton : surveillez l’impôt sur résidences secondaires (si concerné) et les aides énergie.

En pratique :

  • Acheteurs : ajustez vos budgets en taux d’effort plutôt qu’en « gain fiscal ». En station, intégrez un scénario d’impôt cantonal et de charges d’énergie.
  • Vendeurs : soignez l’entretien et l’efficacité énergétique ; l’acheteur 2026–2028 valorisera les coûts d’usage (isolation, PAC, PV) plus que par le passé.
  • Propriétaires : si des travaux nécessaires sont déjà planifiés, envisagez un calendrier 2026–2027, puis guettez les règles cantonales ; documentez vos performances énergétiques (CECB/CECB+), utile à la revente et à la valeur. Admin.ch

FAQ express :

    Quand la suppression s’applique-t-elle ?
    Au plus tôt en 2028 pour la première période fiscale. D’ici là, rien ne change pour vos déclarations 2025–2027. RTS

    Puis-je encore déduire mes intérêts hypothécaires ?
    Pour votre logement occupé, non (hors mécanismes primo-accédants). Si vous avez aussi des biens loués, la déduction suit la méthode proportionnelle restrictive (au probata du patrimoine de rendement). Swiss Federal Audit Office

    Et les rénovations énergétiques ?
    Le fédéral n’accorde plus la déduction générale. Votre canton peut toutefois conserver des incitations ciblées (souvent tempo­raires). Surveillez les décisions 2026–2027. realestate.juliusbaer.com

    Les loyers vont-ils baisser ?
    La réforme vise la fiscalité des propriétaires-occupants ; les loyers dépendent surtout de l’offre et de la demande locatives, des taux, des coûts et de la réglementation. Effet indirect et faible attendu à court terme. bwo.admin.ch

    Les prix vont-ils baisser ?
    Les taux et l’offre pèsent beaucoup plus ; la réforme est un facteur secondaire. Les zones romandes à forte tension resteront résilientes, les marchés de loisir étant les plus sensibles aux futures décisions cantonales. Wüest Partner

    10) L’avis de Courtier-Immo.ch : un changement de cap fiscal, mais pas un « tsunami » de prix

    Le « oui » du 28 septembre 2025 ferme un chapitre centenaire de fiscalité immobilière suisse et clarifie l’architecture : plus de valeur locative, moins de déductions, plus de latitude cantonale pour les résidences secondaires et certaines mesures énergie. La mise en œuvre s’échelonne jusqu’en 2028, ce qui laisse du temps aux ménages romands pour ré-aligner budgets et stratégies (amortissement, rénovation, arbitrages patrimoniaux). Sur les prix, pas de choc attendu : les taux de la BNS, l’offre et la démographie restent les principaux moteurs. En revanche, la qualité du parc bâti deviendra un différenciateur plus fort : les biens bien entretenus et sobres en énergie garderont une prime, alors que les objets à travaux risquent une décote plus visible sans subvention fiscale fédérale.

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